Un texte de Katie Charpentier, collaboratrice
« Jeune adulte, René Lévesque était convaincu que le Québec n’avait aucun avenir et que Montréal allait se transformer sous ses yeux en ville anglophone et américaine. Jeune adulte, Pierre Trudeau militait au contraire pour un Québec indépendant, français, et dirigé d’une main de fer par un dictateur catholique, porté au pouvoir par un putsch qu’il se faisait fort d’organiser. » Ainsi a débuté l’implication politique des deux hommes ayant le plus marqué le Québec du XXe siècle.
Dans son nouveau livre Lévesque/Trudeau : Leur jeunesse, notre histoire, Jean-François Lisée raconte les chemins parallèles et pourtant si différents dans cette histoire croisée. Lévesque, d’une famille modeste à la périphérie du Québec, Trudeau de la haute bourgeoisie d’Outremont. Lévesque, défaitiste quant à l’avenir du Québec ; Trudeau, fervent nationaliste et indépendantiste, rêvant d’un Québec « laurentien, français et catholique. »
Or, tous les deux ont été instruits par les jésuites dans des collèges classiques, tous les deux étaient premiers de classe, et tous les deux ont été forgés dans l’ombre du troisième personnage du livre : Maurice Duplessis.
Déjà, cela peut en surprendre plus d’un, et il y a beaucoup plus de révélations étonnantes au fil de chapitres pleins de personnages connus, comme Jean Drapeau et Lionel Groulx, pour n’en nommer que ceux-ci.
Pour un livre d’une telle importance historique, le lancement a été à la hauteur. Étant le premier projet sur lequel ont collaboré la Fondation Lévesque et la Fondation Pierre Elliott Trudeau — s’ajoutant la présence de la Fondation Lionel-Groulx, une des sociétés historiques les plus importantes du Canada — l’événement fut marquant. Jean-François Lisée a d’ailleurs souligné que la Fondation Trudeau, qui lui a donné accès à des archives privées jamais auparavant consultées, n’avait aucune obligation de permettre à l’ancien chef du Parti Québécois de les explorer. C’est grâce à cette collaboration que le livre peut être aussi révélateur.
En outre, Lucien Bouchard, ancien premier ministre du Québec — dont Jean-François Lisée fut conseiller — a donné un discours sur le livre et sur l’importance de ces deux hommes dans le destin du Québec et du Canada. Bouchard, d’une élégance rare, est lui-même un monument de l’histoire québécoise, et ce fut un honneur de le voir et de l’entendre.
Finalement, la soirée s’est conclue avec une séance de questions animée par l’historien de renom Éric Bédard, où Lisée raconte le travail monumental de recherche dans les archives, la difficulté de faire une histoire équilibrée compte tenu de la quantité bien plus importante d’archives sur la jeunesse de Trudeau que celle de Lévesque, et bien d’autres sujets fascinants.
Si autant de politiciens — fédéralistes comme indépendantistes — et membres du monde académique ont assisté au lancement du livre, c’est parce que les histoires croisées comme celle-ci sont rares. Jamais ces deux personnages marquants de notre histoire n’avaient eu leur jeunesse traitée en autant de détails à travers une lentille aussi captivante.
Bien que le livre soit un pavé de 600 pages, il ne traite que de la jeunesse de nos protagonistes. Il y aura une tome 2 et une tome 3 consacrées à leurs carrières politiques.