Par-delà les apparences : un thriller québécois entre art, vérité et trahisons
Un texte de Renée Charpentier, collaboratrice
Avec son nouveau tome de Points de fuite, Martin Michaud, maître incontesté du thriller québécois, délaisse momentanément son célèbre enquêteur Victor Lessard pour nous entraîner dans un tout autre univers : celui de l’art, de la contrefaçon… et des secrets de famille. Les deux premiers tomes de cette série, parus respectivement en 2023 et 2024, s’annoncent comme une œuvre d’envergure, tissée de mystères, d’émotions brutes et de réflexions philosophiques sur la vérité et la perception.
Michaud situe son intrigue principale à Baie-Saint-Paul dans les années 1990, un choix judicieux qui mêle paysage pittoresque, tension sociale et intensité dramatique. La rivalité entre deux familles, les Lavoie – galeristes respectables – et les Lazarre – faussaires notoires –, sert de toile de fond à une saga où l’art devient un champ de bataille et la vérité, une illusion.
Dès le premier tome, le lecteur est happé par la disparition de la petite Rosalie Lavoie, événement déclencheur qui révèle les tensions et non-dits ancrés dans la famille. Alice Lavoie, policière suspendue, se lance alors dans une enquête parallèle qui l’amènera à revisiter son propre passé et à découvrir que la frontière entre le bien et le mal est souvent floue.
Ce qui distingue Points de fuite d’un simple polar, c’est la densité psychologique de ses personnages et la profondeur thématique. Michaud ne s’intéresse pas seulement à « qui a fait quoi », mais à « pourquoi » et « à quel prix ». L’art, dans cette série, n’est pas un simple décor : il devient un miroir déformant de la réalité. Le thème du faux – faux tableaux, fausses vérités, fausses identités – est omniprésent et pousse le lecteur à s’interroger sur ses propres perceptions.
Le style de Michaud est précis, évocateur, parfois lyrique, mais toujours au service de l’histoire. Il alterne efficacement les époques, les points de vue et les couches narratives, ce qui donne au récit une richesse digne des grandes fresques littéraires. Les références au vol du Musée des beaux-arts de Montréal en 1972 viennent ancrer l’intrigue dans une réalité historique, augmentant ainsi le sentiment de plausibilité.
Dans le deuxième tome, Michaud ne relâche pas la tension. Les révélations se multiplient, les personnages gagnent en complexité, et les zones grises s’épaississent. La psychologie d’Alice, tiraillée entre loyauté familiale et quête de justice, devient plus dense, plus bouleversante. Les ramifications de l’intrigue s’élargissent, suggérant une fin de trilogie prometteuse, peut-être explosive.
En conclusion
Avec les deux premiers tomes de Points de fuite, Martin Michaud prouve une fois de plus qu’il est un conteur hors pair, capable de se réinventer sans renier ses racines. Cette nouvelle série, plus littéraire et introspective que ses thrillers policiers précédents, s’impose déjà comme une œuvre majeure de sa carrière. Une plongée vertigineuse dans les coulisses du monde de l’art et de l’âme humaine, où chaque vérité est un point de fuite.
📖 À lire absolument.
📌 Infos pratiques
Auteur : Martin Michaud
Série : Points de fuite
Tomes parus : Tome 1 (2023), Tome 2 (2024)
Éditeur : Libre Expression
Genre : Thriller psychologique, roman noir, fiction littéraire
Public : Adultes, amateurs de polars et d’art
Disponibilité : En librairie et en ligne