Un texte de Renée Charpentier, collaboratrice
Le film Nos Belles-Sœurs présente une interprétation nouvelle de la célèbre pièce de théâtre de Michel Tremblay. Contrairement aux attentes, il ne s’agit pas d’une simple comédie musicale, mais d’une œuvre riche en nuances et en émotions. Cette adaptation cinématographique parvient à se détacher de la pièce originale pour s’imposer comme une création autonome.
Créées il y a plus de 50 ans, les Belles-Sœurs de Michel Tremblay n’ont pas pris une ride. En portant à l’écran ce classique du théâtre québécois, René Richard Cyr, qui réalise ici son premier film, a su préserver l’essence de l’œuvre tout en y insufflant une touche de folie et de modernité, porté par un groupe d’actrices exceptionnelles. Comme dans la pièce originale, le film Nos Belles-Sœurs nous transporte dans le Montréal ouvrier des années 1960. Un beau matin, Germaine Lauzon (interprétée par Geneviève Schmidt), femme au foyer, apprend qu’elle a gagné un million de timbres-primes qui, espère-t-elle, lui procureront le bonheur. Pour célébrer cette bonne nouvelle et remplir ses livrets, elle organise un « party de collage de timbres » dans sa cuisine, elle convie sa sœur Rose (jouée par Anne-Élisabeth Bossé) ainsi que plusieurs amies et voisines.
Dès le début, le film utilise la couleur pour masquer la pauvreté et les drames sous-jacents des personnages, créant un contraste saisissant. La présence des hommes et des enfants ajoute une nouvelle dimension à l’histoire, enrichissant son spectre émotionnel. Le film explore également la quête du bonheur par la consommation, suggérant que cette course effrénée n’est pas la solution aux problèmes des personnages. Les thèmes abordés dans l’œuvre de Michel Tremblay résonnent encore fortement aujourd’hui.
Les émotions jaillissent de l’écran, transcendant les simples thèmes abordés. Guylaine Tremblay incarne de manière mémorable la jalouse en chef, tandis que pour sa première apparition devant la caméra, Ariane Moffat brille par son authenticité et son talent. Valérie Blais est également charmante dans le rôle de Lisette de Courval, une voisine qui s’efforce de bien parler, tout comme Anne-Élisabeth Bossé, déchirante dans le rôle de Rose, la sœur de Germaine, constamment mécontente de son mari (interprété par Guillaume Cyr).
Mention spéciale au duo Team White pour ses performances de danse, apportant une dimension artistique supplémentaire aux scènes. Je retiens notamment la superbe chorégraphie de groupe dans une fête foraine sur la chanson « J’ai-tu l’air de que’qu’un qui a déjà gagné que’qu’chose ? » et l’interprétation touchante de Mon vendeur de brosse, portée par Debbie Lynch-White.
Le final mystérieux, marqué par le mot « GRATIS », laisse place à diverses interprétations. Que signifie-t-il pour vous ? C’est une question que le film laisse ouverte, invitant chaque spectateur à réfléchir.
Les caméos de Denise Filiatrault et Michel Tremblay offrent un clin d’œil respectueux à l’œuvre originale et à ses créateurs, sans alourdir le récit.
Le destin de Linda est particulièrement poignant : deviendra-t-elle une Pierrette ou une Germaine ? Cette question centrale souligne les choix difficiles auxquels sont confrontées les femmes dans leur quête d’autonomie et de bonheur.
En conclusion, Nos Belles-Sœurs est une œuvre riche et complexe, explorant avec profondeur et authenticité la condition féminine. C’est un film qui transcende les frontières et les époques, célébrant la sororité, l’amitié et la quête du bonheur véritable.